PETITE HISTOIRE DE LA CARTE POSTALE
La carte postale est un extraordinaire témoin du temps
Elle permet, avec le recul des années, de faire renaître des instants de vie, furtifs mais oh! combien parlants. Elle permet de reconstituer des paysages, parfois reconnaissables de nos jours, parfois modifiés, parfois disparus. Elle permet de découvrir des personnes, des visages, des attitudes d’autrefois. Paysages, personnes, attitudes ont été saisis à un moment de leur vie et nous sont restitués par l’image mais aussi par l’expression écrite. La carte postale a figé à un instant donné la vie des gens, seuls, en familles ou en groupe, et la perpétue dans le temps. Cette vie est venue jusqu’à nous et nous survivra tant qu’il y aura des collectionneurs, privés ou professionnels. Elle a eu aussi une vie, une hstoire, et a évolué dans le temps.
Simple « carton », elle était destinée par nature à être acheminée par courrier ; on a donc tout simplement copié, à ses débuts, sur une de ses faces, l’enveloppe des plis fermés. Sur ce recto, il était clairement indiqué, en dessous de l’en-tête « carte postale », que le côté était exclusivement réservé à l’adresse, comme le prescrivait le ministère des postes et des télégraphes qui depuis 1873 avait réglementé la chose. La correspondance « à découvert » est ainsi réduite à sa plus simple expression : le texte, quand il y en a, est forcément placé de l’autre côté de la carte où se trouve, caractéristique apparue très tôt, une illustration, généralement une photo, tenant plus ou moins de place.
La carte postée en 1902 reproduite recto verso ci-dessus est remarquable de la première génération officielle de carte postale
: au recto (à gauche) une photo, au verso, l’adresse du destinataire. L’expéditeur à indiqué son nom à côté de
l’illustration mais n’a pas jugé bon d’écrire autre chose; on remarque du côté adresse que la mention « carte postale » a
été barrée et remplacée par « imprimé », peut-être pour justifier du montant du timbre.
Du côté adresse, de façon générale, on note une certaine évolution, et, quelques années plus tard, les expéditeurs auront la possibilité d’écrire sur sa moitié gauche; une mention prévenait alors, cependant, que tous les pays n’acceptent pas cette pratique, comme on le voit sur la carte ci-dessous expédiée en 1908. Les cachets que l'on voit sur ces cartes sont nets, ce qui est rare, les cachets de la poste de cette époque, étant souvent difficiles à déchiffrer, notamment en ce qui concerne l’année.
Ah!
messieurs les postiers ou mesdames les postières, si vous aviez su combien il est important pour nous, amateurs de cartes postales, de
pouvoir lire clairement ces dates anciennes, vous eussiez sûrement apporté plus de précision à votre coup de tampon. Certains
expéditeurs ont indiqué sur la carte elle-même sa date d'envoi. Avec plus ou moins de précision; car s'il ne fait aucun doute
que le millésime de la carte ci-dessus à droite est bien 1900, l'écriture laisse tout de même planer un doute quant à l'année;
05 semble toutefois être tout à fait vraisemblable. Pas de doute, par contre, pour les deux cartes de 1901 ci-dessous.
La carte postale correspondait à un besoin qui est encore le nôtre
aujourd’hui : celui, de la part de l’expéditeur, de communiquer des nouvelles ou des sentiments. Quand il a envie de s’exprimer,
celui-ci ne va pas se laisser emprisonner dans le carcan de l’« imprimé », et, bien avant qu’il soit officiellement autorisé à
placer sa correspondance dans une partie réservée, il va s’exprimer librement là où il peut, autour ou sur la photo, comme on peut le
voir sur ces 3 cartes.
En fait ce besoin de communiquer est à l’origine de la carte postale et de sa vulgarisation. Billet indiscret, puisque tout le monde peut lire un courrier envoyé à découvert, il a été en fait une sorte de messager, à l’origine. Si la première réglementation du format de la carte postale en France date de 1873, c’est parce que pendant la guerre de 1870 ce "billet cartonné" a été utilisé par les combattants pour donner de leurs nouvelles à leurs familles ou à des amis.
Et les mêmes causes, hélas, produisant les mêmes effets, la pratique en a été reprise pendant la grande guerre. On retrouve de très nombreuses cartes postales adressées par les combattants au cours de cette période, cartes n’hésitant pas à représenter la guerre : camps militaires, pièces de feu, champs de bataille.
Ii était possible d'envoyer des cartes plus personnalisées également : les combattants se faisaient
photographier, seuls ou en groupe, et le studio de photo imprimait au dos la mention « carte postale ». Ces cartes postales seront pour
beaucoup le dernier souvenir qu'ils adresseront à leur famille.
Chose plus extraordinaire, choquante même parfois, certains éditeurs n’ont pas hésité à imprimer des cartes postales humoristiques, comme on le voit sur la carte postale ci-dessous à gauche. Non moins curieuses les cartes postales patriotiques, voire de propagande, éditées lors de cette guerre, comme la carte postale ci-dessous à droite, ces cartes postales étant destinées à sublimer l'attitude des combattants envoyés au front dont le quotidien était était hélas bien différent.
Il semble par contre, que cette "tradition" n'ait pas été reprise 22 ans plus tard car peu de témoignages existent, en France tout au moins, sous forme de carte postale lors de la seconde guerre mondiale.
On constate que certaines de ces cartes postales datant de la grande guerre sont déjà en couleur, notamment celles qui ont un caractère officiel ou celles éditées à l'occasion de la nouvelle année. En fait dès le début du 20° siècle sont apparues des cartes coloriées comme celle ci-contre (on peut y distinguer une calèche sur le pont, à l'arrière plan, moyen de transport de l'époque). Mais ce sera assez exceptionnel, la carte en couleur quasiment tombée dans l'oubli ne se généralisera que peu à peu à partir des années 1950 beaucoup de cartes postales des années 1960 étant encore en noir et blanc.
Les cartes postales resteront toujours des témoins d'un temps passé qui ne se retrouvera plus. Témoins de faits tragiques comme le déchaînement de la nature, inondation dans une commune de l'Isère en 1911 ci-dessous à gauche, ou de la vie ordinaire d'un villlage de Haute Savoie dans les années 1920.